Au Mali, les partis politiques redoutent une dissolution sous couvert de réforme

Une centaine de partis politiques maliens, dont toutes les principales formations du pays, étaient représentés mardi 15 avril lors d’une conférence de presse organisée par l’Initiative des partis politiques pour la charte (Ipac). En ligne de mire : l’annonce récente du gouvernement de transition concernant une série de consultations avec les « forces vives » autour de la relecture de la charte des partis politiques. Ce processus doit débuter le 16 avril dans les régions, avant une phase nationale prévue jusqu’au 29 avril.

Mais dans les rangs de l’opposition, la méfiance est palpable. Beaucoup soupçonnent que ces consultations visent, en réalité, à suspendre ou dissoudre purement et simplement les partis politiques existants.

« Il se murmure, par des voix connues de tous, que le processus enclenché devrait avoir comme finalité de dissoudre ou à tout le moins de suspendre les activités des partis politiques », a déclaré l’ancien ministre Oumar Ibrahima Touré, lisant le communiqué commun signé par 101 partis.

Ces formations rappellent que la Constitution adoptée en 2023, sous l’impulsion même des autorités de transition, garantit leur existence. L’article 39 y précise que les partis politiques « se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la loi ».

Une demande de report et de dialogue

Les signataires ont sollicité une audience urgente avec le Premier ministre de transition, le général Abdoulaye Maïga, ainsi qu’un report des concertations annoncées. Ils réaffirment leur engagement à soutenir la transition dans un cadre respectueux de l’État de droit et des principes républicains.

Ce climat de tension s’inscrit dans un contexte où le « Dialogue inter-Maliens », organisé en mai 2024, avait déjà recommandé la prolongation de la transition ainsi que la promotion des colonels putschistes au grade de général. Parmi les autres recommandations figuraient aussi le durcissement des critères de création des partis politiques et la suppression de leur financement public – une idée déjà avancée lors des Assises nationales de la refondation de 2021.

Trop de partis ?

Selon le journal d’État L’Essor, près de 300 partis sont aujourd’hui enregistrés au Mali. Une multitude qui comprend aussi bien des formations historiques que des entités sans véritable activité politique, souvent créées pour accéder aux subventions ou soutenir les autorités en place.

Conscients de cette prolifération, les partis de l’Ipac ont eux-mêmes proposé des pistes de réforme : limitation du nombre de partis, encadrement de leur financement, et instauration de critères stricts comme la participation aux scrutins ou un nombre minimal d’élus pour pouvoir exister légalement.

Un acquis démocratique en danger ?

Le pluralisme politique a été instauré en 1991, après la chute de la dictature militaire du général Moussa Traoré. Aujourd’hui, les figures historiques de cette lutte, tout comme les jeunes générations engagées, redoutent que cet acquis démocratique fondamental ne soit remis en cause.

Un précédent alimente leurs craintes : en 2024, les autorités de transition avaient déjà suspendu les activités des partis politiques pendant trois mois, entre avril et juillet, invoquant des raisons d’ordre public.

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